Déjà vu : une nouvelle génération de consommateurs de nicotine ?

Déjà vu : une nouvelle génération de consommateurs de nicotine ?

La crise du vapotage 

L’augmentation des cas de maladies respiratoires liés au vapotage aux États-Unis et l’apparition récente de tels cas en Ontario[1] et au Québec[2] ont poussé Santé Canada à mettre en garde les Canadiens contre un risque possible de maladie pulmonaire associée aux produits de vapotage[3]. La situation est tellement préoccupante que huit organismes de santé ont demandé au gouvernement fédéral d’agir sans tarder pour réglementer la consommation de ces produits[4]. Or, selon l’Association médicale canadienne, le vapotage chez les jeunes est devenu une crise de santé publique[5]. 

  

Qu’est-ce que le vapotage? 

Selon Santé Canada, « [l]e vapotage consiste à inhaler puis à exhaler un aérosol généré par un produit de vapotage tel qu’une cigarette électronique. Le vapotage ne requiert pas de flamme, comme le fait la cigarette. Le dispositif chauffe un liquide jusqu’à ce qu’il se vaporise et qu’il devienne un aérosol. Cette vapeur peut contenir des substances comme de la nicotine et des arômes. »[6] En effet, il existe une variété de saveurs attrayantes, surtout pour les jeunes, et la majorité des cigarettes électriques contiennent de la nicotine, substance qui peut provoquer une forte dépendance[7]. Qui plus est, les systèmes de cartouches font en sorte que des taux élevés de nicotine peuvent être inhalés[8]. 

  

La réalité juridique canadienne   

En mai 2018, le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence (« la Loi »), est entré en vigueur. Alors que la Loi autorise la cigarette électronique contenant de la nicotine au Canada, ce qui a augmenté l’accès à ce produit, elle en régit certains aspects, y compris l’accès, l’étiquetage et la promotion. Cependant, la Loi est plutôt permissive en ce qui concerne la promotion des produits de vapotage et permet les publicités médiatiques et aux points de vente, à moins que la province ne l’interdise[9]. En effet, David Hammond, professeur à l’École de santé publique et des systèmes de santé de l’Université de Waterloo, estime que la législation est trop permissive en ce qui concerne la promotion et le marketing de ces produits[10]. Alors qu’il concède que le vapotage pourrait servir à aider les fumeurs de réduire ou éliminer leur dépendance au tabac, il estime qu’il faut impérativement mieux réglementer la vente et la promotion des cigarettes électroniques[11]. 

  

Un mal nécessaire ?    

Il se pourrait que l’usage des cigarettes électroniques ne soit pas complètement sans bénéfices. Dans son rapport portant sur la réglementation des cigarettes électroniques, le Comité permanent sur la santé a examiné les bienfaits du vapotage. En effet, il a entendu des témoignages sur le fait que les cigarettes électroniques peuvent constituer une façon pour les fumeurs de renoncer au tabac[12]. Or, Santé Canada, dans sa consultation auprès des Canadien(ne)s sur la réglementation possible de ces produits, a entendu que la réglementation trop répressive pourrait avoir des effets néfastes sur ceux et celles qui veulent cesser le tabagisme grâce aux produits de vapotage[13]. 

  

La boîte à outils juridiques 

Le gouvernement fédéral 

En vertu de l’article 31.1(1) de la Loi sur les aliments et drogues, le ministre de la santé a l’autorité de prendre un arrêté d’urgence qui aurait la même force qu’un règlement, s’il estime nécessaire d’intervenir immédiatement afin de parer à un risque appréciable pour la santé[14]. Les organismes de santé ont demandé un tel arrêté pour permettre au gouvernement de mettre en place des règlements visant à restreindre la promotion des produits de vapotage et à réduire le nombre d’arômes et leur teneur en nicotine[15]. Le gouvernement dispose en effet d’une panoplie d’options en ce qui concerne la réglementation des produits de vapotage. Il peut les réglementer comme il le fait pour les produits de tabac, il peut interdire les saveurs qui attirent les jeunes, réduire le taux de nicotine permis comme l’a fait l’Union européenne, exiger que les marchands demandent une pièce d’identité pour vérifier l’âge du consommateur ou encore augmenter l’âge légal à 21 ans[16]. 

  

Les provinces et municipalités  

Les provinces et municipalités font leur part pour contrer cette tendance croissante et inquiétante chez les jeunes. Le 25 octobre 2019, le gouvernement ontarien a annoncé qu’à partir du 1er janvier 2020, il sera interdit de promouvoir des produits de vapotage dans les magasins de vente au détail[17]. Cette promotion sera uniquement autorisée dans les magasins spécialisés dans la vente de produits de vapotage et les magasins de vente au détail de cannabis[18]. De l’autre côté du pays, l’Alberta prévoit mettre en place une taxe sur les produits de vapotage pour tenter de décourager leur consommation[19]. En Nouvelle-Écosse, le gouvernement semble être ouvert à une interdiction sur les saveurs qui attirent les jeunes[20] et le conseil municipal de la Ville de Richmond en Colombie-Britannique a unanimement décidé d’interdire les publicités dans les espaces publics[21]. 

  

Conclusion 

Alors que certains soutiennent que les produits de vapotage ont le potentiel d’aider les fumeurs de cigarettes à s’affranchir du tabac, nous nous retrouvons actuellement dans une situation où les avantages des cigarettes électroniques et des produits de vapotage sont éclipsés par les risques qu’ils créent pour les jeunes d’aujourd’hui et la santé publique. Il faut donc décider comment nous allons éviter une autre génération de consommateurs de nicotine. Le débat ne fait que commencer. 

 

À NOTER : Cet article de blogue était originalement publié sur le site de Juriblogue.ca.  

Veuillez prendre note de la date de rédaction de cet article de blogue. Il est possible que certaines informations ne soient plus à jour. 

  

 

[1] Liam Casy, « Un premier cas de maladie respiratoire liée au vapotage signalé en Ontario », Le Droit (18 septembre 2019) en ligne : < https://www.ledroit.com/actualites/sante/un-premier-cas-de-maladie-respiratoire-liee-au-vapotage-signale-en-ontario-8da668c53050d9f16bb1d00abf9ef4a4 >. 

[2] Santé et Services sociaux Québec, « Un premier cas au Québec de maladie pulmonaire sévère associée au vapotage », Santé et Services Sociaux Québec (27 septembre 2019) en ligne : < https://www.msss.gouv.qc.ca/ministere/salle-de-presse/communique-1927/ >. 

[3] Santé Canada, « Mise à jour – Mise en garde de Santé Canada concernant un risque possible de maladie pulmonaire lié aux produits de vapotage », Santé Canada (4 septembre 2019) en ligne : < http://canadiensensante.gc.ca/recall-alert-rappel-avis/hc-sc/2019/70919a-fra.php >. 

[4] Radio-Canada, « Des organismes demandent à Ottawa de sévir contre le vapotage », Radio-Canada (19 septembre 2019) en ligne : < https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1308349/sante-publique-organismes-gouvernement-vapotage-tabagisme >. 

[5] Ibid. 

[6] Supra note 3. 

[7] Gouvernement du Québec, « Cigarette électronique », Gouvernement du Québec (29 octobre 2019) en ligne : < https://www.quebec.ca/sante/conseils-et-prevention/saines-habitudes-de-vie/cigarette-electronique/ >. 

[8] Ibid. 

[9] https://www.bmj.com/content/365/bmj.l2219 

[10] CFJC Today, « Health organizations call for end to promotion of vaping products », CJFC Today (21 septembre 2019) en ligne : < https://cfjctoday.com/2019/09/21/health-organizations-call-for-end-to-promotion-of-vaping-products-2/ >. 

[11] Ibid. 

[12] Chambre des communes, Comité permanent de la Santé, Vapotage : vers l’établissement d’un cadre réglementaire sur les cigarettes électroniques (mars 2015) à la p 8. 

[13] Santé Canada, « Résumé de la consultation: Avis d’intention – Des mesures à l’étude visant à atténuer l’impact de la publicité des produits de vapotage sur les jeunes et les non-utilisateurs de produits de tabac », Santé Canada (22 juillet 2019) en ligne : < https://www.canada.ca/fr/sante-canada/programmes/consultation-mesures-etude-visant-attenuer-impact-publicite-produits-vapotage-jeunes-non-utilisateurs-produits-tabac/sommaire.html >. 

[14] Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, c F-27, art 31.1(1). 

[15] Supra note 4. 

[16] Supra note 10. 

[17] Ministère de la santé de l’Ontario, « Protéger les jeunes des dangers du vapotage : L’Ontario interdit la promotion des produits de vapotage à l’extérieur des boutiques spécialisées », Ministère de la Santé de l’Ontario (25 octobre 2019) en ligne : < https://news.ontario.ca/mohltc/fr/2019/10/proteger-les-jeunes-des-dangers-du-vapotage.html >. 

[18] Ibid. 

[19] Emily Mertz, « Alberta Budget 2019: Fees and taxes – What will it cost more to do? », Global News (24 octobre 2019) en ligne : < https://globalnews.ca/news/6079448/alberta-budget-2019-fees-taxes-tobacco-rental/ >. 

[20] CBC News, « Tories propose ban on all flavoured vape products in Nova Scotia », CBC News (2 octobre 2019) en ligne : < https://www.cbc.ca/news/canada/nova-scotia/pc-party-proposed-banning-flavoured-vape-products-1.5306141 >. 

[21] Sean Boynton, « As Richmond bans vaping ads, province urged to take action amid illnesses », Global News (17 octobre 2019) en ligne : < https://globalnews.ca/news/6047372/bc-vaping-actions/ >.