L’âge du consentement sexuel : Débat en France et moyens de défense au Canada

L’âge du consentement sexuel : Débat en France et moyens de défense au Canada

Cet article met en parallèle les régimes français et canadien quant à l’âge du consentement sexuel et aborde les modes de défense susceptibles d’être invoqués dans le cas d’une accusation portée pour l’agression sexuelle d’un mineur de 11 ans au Canada.

Dans le monde, le seuil associé à la présomption de non-consentement à l’activité sexuelle varie de 12 ans (Espagne) à 16 ans (Danemark, Royaume-Uni, Suisse et Canada). Dans le cadre de la réflexion menée en France pour se doter de mécanismes législatifs pour encadrer le consentement sexuel, cet article met en parallèle les régimes français et canadien et aborde les modes de défense qui pourraient être utilisés dans le cas d’accusation portée pour l’agression sexuelle d’un mineur de 11 ans au Canada.

FRANCE : UNE LOI QUI S’ÉLABORE POUR PALLIER LA LÉGISLATION INEXISTANTE SUR LE CONSENTEMENT

En France, deux cas, en septembre et novembre dernier, concernant le viol de fillettes de 11 ans ont fait couler beaucoup d’encre et lancé le débat sur la majorité sexuelle. Le président français a plaidé en novembre dernier pour aligner l’âge de la majorité sexuelle à 15 ans en vue d’assurer la cohérence et la protection des mineurs. Certaines personnes proposent plutôt un seuil de 14 ans.

Que signifie le seuil de consentement sexuel en France ? La secrétaire d’État chargée de l’Égalité des femmes et des hommes, Marianne Shiappa, explique que le seuil de non-consentement irréfragable signifiera « qu’en dessous d’un certain âge […] il ne peut y avoir débat, jamais, sur le consentement sexuel d’un enfant et que tout enfant en dessous d’un certain âge serait d’office considéré comme violé, donc agressé sexuellement ». Cette présomption de non-consentement à une relation sexuelle n’a toutefois pas encore été adoptée. À l’heure actuelle, aucune loi française ne prévoit l’âge minimal de consentement à l’activité sexuelle.

CANADA : UNE RÉGLEMENTATION STRICTE QUI ENCADRE L’ACCEPTATION DES RELATIONS SEXUELLES

Le 4 mai 2007, la Chambre des communes a adopté une modification au Code criminel faisant passer l’âge minimal prévu pour le consentement aux activités sexuelles de 14 à 16 ans. Ainsi, 16 ans est l’âge établi pour pouvoir légalement donner son consentement à des activités sexuelles. Il existe des exceptions à cette règle. Notamment, en ce qui a trait à la différence d’âge entre les partenaires, dont l’exception de proximité d’âge pour les 12-13 ans. Dans cette tranche d’âge, le consentement est valide à la condition que l’aîné des partenaires le soit de moins de deux ans par rapport au plus jeune. Une exception sur l’âge concerne également les 14-15 ans, cette fois lorsque la différence d’âge entre les partenaires est de moins de 5 ans.

Toutefois, dans l’une ou l’autre de ces situations, le consentement est inexistant lorsqu’il y a une relation de confiance, d’autorité, de dépendance ou d’exploitation du mineur de moins de 16 ans (professeur, entraîneurs, etc.). Une exception semblable est aussi prévue pour les mineurs de plus de 16 ans dans les cas d’exploitation sexuelle.

COMPARATIF DES MODES ACTUELS DE DÉFENSE EN FRANCE ET AU CANADA

1 – La défense de consentement

En novembre dernier, la justice française a acquitté un homme, âgé de 20 ans au moment des faits, accusé d’avoir violé une fillette de 11 ans. Dans une autre affaire française, en septembre dernier, un homme de 34 ans a été poursuivi pour atteinte sexuelle sur une mineure âgée de 11 ans au moment des faits. La partie représentant la victime a demandé la requalification de l’atteinte sexuelle en viol puisque l’infraction d’atteinte sexuelle aurait donné lieu à une peine moins importante que le viol. Il estimait que l’absence de contrainte justifiait une poursuite pour atteinte sexuelle et non pour viol.

Comment une telle affaire aurait été traitée au Canada ? La défense de consentement sexuelle peut-elle valoir dans le cas d’une accusation d’agression sexuelle sur un mineur de 11 ans ?

Au Canada, le consentement de la victime ne constitue pas une défense. Ce faisant, contrairement aux infractions d’agression sexuelle pour laquelle la preuve de l’absence de consentement sexuelle est requise par le ministère public, en ce qui a trait au mineur, elle n’a pas à être faite. Il y a ainsi une présomption de non-consentement d’office des victimes de moins de 16 ans, hormis les exceptions énoncées précédemment. En conséquence, un individu ne peut invoquer la défense de consentement en cas de poursuite pour agression sexuelle.

2 – La défense de l’erreur sur âge

En ce qui a trait à la défense de l’erreur sur l’âge, elle peut être invoquée lorsque la victime est âgée de moins de 16 ans. Dans R. c. George, 2017 CSC 38 (ci-après, « George »), la Cour suprême du Canada s’est prononcée sur des infractions de contact sexuel et d’agression sexuelle sur un mineur de 14 ans et demi. L’accusée, Mme George, n’a pu plaider la défense de consentement étant donné que la victime était âgée de moins de 16 ans et que leur différence d’âge était de plus de 5 ans. Elle a donc plaidé l’erreur sur l’âge.

Un accusé ne peut se prévaloir de la défense de l’erreur sur l’âge, selon le Code criminel, « que si l’accusé a pris toutes les mesures raisonnables pour s’assurer de l’âge du plaignant ». Le fardeau de l’accusé est de démontrer que l’erreur sur l’âge à une apparence de vraisemblance. Quant au ministère public, « il doit prouver hors de tout doute raisonnable soit que l’accusé (1) ne croyait pas sincèrement que le plaignant était âgé d’au moins 16 ans (l’élément subjectif), soit que l’accusé (2) n’a pas pris “toutes les mesures raisonnables” pour s’assurer de l’âge du plaignant (l’élément objectif) » (George, par. 8). L’absence de mesures raisonnablement prises pour s’assurer de l’âge du plaignant s’appuie sur le contexte et les faits qui, selon le cas, peuvent alors soulever un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé.

La Cour a rendu un jugement unanime dans l’arrêt George où elle établit une règle générale relativement à la défense de l’erreur sur l’âge : « […] plus la perception qu’a l’accusé de l’âge du plaignant est raisonnable, moins le nombre de mesures raisonnablement requises de la part du premier sera élevé » (George, par. 9). De plus, la Cour suprême a réaffirmé que les mesures raisonnables prises doivent l’être préalablement à l’activité sexuelle. En l’espèce, la Cour a rejeté, la nécessité de demander une carte d’identité du plaignant munie d’une photo. Elle a estimé que les circonstances en l’espèce étaient des facteurs qui avaient raisonnablement étayé la perception erronée de Mme George quant à l’âge de son partenaire. Il s’agissait là notamment de :

l’« aisance évidente » avec laquelle C.D. a « abordé » l’activité en question doit s’entendre du fait que C.D. est entré dans la chambre à coucher de Mme George sans y être invité et qu’il a parlé avec elle pendant plusieurs heures de sujets variés, dont bon nombre révélaient de la maturité, alors que d’autres avaient un caractère suggestif. […] (George, par. 19).

Ainsi, la Cour suprême du Canada a rétabli l’acquittement de Mme George prononcé par le juge du procès.

L’arrêt George permet de constater qu’au Canada, malgré la présomption de non-consentement du mineur et donc l’absence de défense de consentement, l’erreur sur l’âge est une défense qui peut permettre de faire tomber des accusations d’agression sexuelle sur mineur de moins de 16 ans. Dans le cas d’un mineur de 11 ans, la défense de l’erreur sur l’âge peut donc être présentée. Néanmoins, selon le contexte et les faits, on peut s’attendre à ce que le caractère raisonnable de la perception sur l’âge nécessite un plus grand nombre de mesures raisonnables pour établir que la perception erronée de l’accusé est vraisemblable. À 11 ans, compte tenu du jeune âge de la victime, l’erreur sur l’âge peut être plus difficile à établir.

Prochainement en France, tout comme c’est le cas au Canada, une présomption de non-consentement à l’activité sexuelle établira un seuil en dessous duquel les mineurs seront présumés ne pas consentir à l’activité sexuelle. La France veut prévoir ce seuil à 15 ans, alors qu’au Canada, il a été haussé de 14 à 16 ans dans la dernière décennie.

Au pays, malgré ce seuil et les exceptions quant à l’écart sur l’âge pour les moins de 16 ans, l’erreur sur l’âge est un moyen de défense qui peut être invoqué et entraîner l’acquittement de l’accusé, comme ce fût le cas dans l’arrêt George. Dans cet arrêt, le mineur était âgé de 14 ans et demi ; ainsi en l’absence d’une hausse du seuil de 14 à 16 ans, Mme George n’aurait pas été poursuivie.

Ce constat soulève un questionnement sur l’âge de consentement à l’activité sexuelle, doit-il être fixé 12, 13, 14, 15 ou 16 ans ? Et, enfin, comment l’« intérêt supérieur de l’enfant » peut-il varier autant d’un pays à l’autre ?