Véhicules autonomes et semi-autonomes : à qui la faute?

Véhicules autonomes et semi-autonomes : à qui la faute?

Plusieurs accidents routiers impliquant des véhicules semi-autonomes et autonomes ont été reportés depuis leur mise en marché. On se souviendra de l’accident mortel de mars 2018 en Arizona, où une femme qui traversait la route en dehors d’un passage pour piéton vers 22 h 00 avait été heurtée par un Uber en mode autonome.  Ce prototype Volvo était alors sous la surveillance d’une opératrice Uber assise à la place du conducteur. 

  

En 2015, 1 858 personnes ont perdu la vie suite à des accidents routiers au Canada[1]. Selon le Canadian Automated Vehicles Centre of Excellence, le nombre de collisions mortelles devrait diminuer de 80% grâce aux véhicules autonomes[2]. Outre la réduction d’accidents, certains reconnaissent que les véhicules autonomes augmenteront le rendement énergétique, ce qui contribuera à protéger l’environnement[3]. Or, bien qu’une telle performance soit bénéfique pour la société, l’automatisation et la semi-automatisation des véhicules procurent une sensation de sécurité, qui pourrait faire diminuer la vigilance du conducteur[4].   Un peu comme le port de la ceinture de sécurité obligatoire dans les années 70 qui avait diminué la morbidité sur nos routes, mais avait augmenté le nombre de collisions. 

  

Une question importante demeure : lorsqu’un véhicule autonome assisté d’un système d’intelligence artificielle est impliqué dans un accident, qui est responsable – le manufacturier ou le conducteur? Aucun tribunal canadien n’a encore statué sur la responsabilité lors d’accidents impliquant des véhicules autonomes[5]. 

  

Règlement applicable 

  

Le règlement Pilot Project – Automated Vehicles[6] (disponible en anglais seulement) a été pris en vertu du Code de la route de l’Ontario[7] afin d’encadrer un programme pilote mis sur pied par le ministère des Transports ontarien en 2015 permettant l’essai des véhicules autonomes sur les routes de la province. Seuls les conducteurs inscrits au programme pilote pouvaient conduire les véhicules autonomes sur les routes, mais depuis le 1er janvier 2019, tous sont maintenant autorisés[8]. 

La Society of Automotive Engineers (SAE) International a mis au point un système de classification universel afin de différencier les voitures traditionnelles, semi-autonomes et autonomes[9]. Les différents niveaux d’automatisation sont les suivants[10] : 

  • Niveau 0 – Aucune automatisation : Aucune fonction automatisée. Un régulateur de vitesse traditionnelle relève toutefois de cette catégorie. 
  • Niveau 1 – Aide à la conduite : Des caractéristiques intelligentes ajoutent une dimension de sécurité et de confort. Un conducteur humain est nécessaire pour toutes les fonctions critiques. Un véhicule qui possède un régulateur de vitesse qui s’ajuste à la vitesse du trafic devant lui et qui est muni d’un avertisseur de sortie involontaire de voie en constitue un exemple. 
  • Niveau 2 – Automatisation partielle : Au moins deux tâches automatisées sont gérées par le véhicule, mais le conducteur doit rester engagé dans la tâche de conduite. Si l’accélération et la direction sont contrôlées, le véhicule relève donc de cette catégorie. 
  • Niveau 3 – Automatisation conditionnelle : Le véhicule devient copilote et gère la plupart des fonctions de conduite essentielles à la sécurité, mais le conducteur doit être prêt à prendre le contrôle du véhicule en tout temps. 
  • Niveau 4 – Automatisation élevée : Le véhicule est capable d’exécuter toutes les fonctions de conduite dans certaines conditions. Le conducteur a la possibilité de contrôler le véhicule. 
  • Niveau 5 – Automatisation complète : Le véhicule est capable de fonctionner complètement sans conducteur. La conduite est automatisée en tout temps et dans toutes les conditions, sans intervention humaine. 

  

  

La responsabilité 

  

Tel que prévu au paragraphe 13(1) de ce Règlement, le conducteur doit demeurer derrière le volant afin de surveiller le fonctionnement du véhicule automatisé[11]. De plus, le paragraphe 1(3) prévoit qu’une personne assise à la place du conducteur d’un véhicule automatisé est considérée comme conduisant ledit véhicule, que le système de conduite automatisée soit engagé ou non[12]. 

  

Le gouvernement ontarien a annoncé que : « les conducteurs devront avoir la garde et le contrôle complets des véhicules dotés de la technologie SAE de niveau 3 et ils demeureront assujettis à toutes les lois applicables (comme les lois régissant les sources de distraction, la négligence et la conduite avec facultés affaiblies). Ils seront responsables, en tout temps, de la conduite sécuritaire de ces véhicules »[13].  Donc, en vertu de ce projet pilote et de son règlement, le chauffeur demeure responsable en tout temps de la sécurité du véhicule même si celui-ci est semi-autonome. 

  

Outre le règlement précité, aucune autre loi canadienne n’encadre la responsabilité des véhicules autonomes au Canada[14]. Pourtant, dans un avenir rapproché, lorsque ces véhicules deviendront plus nombreux sur nos routes et que les logiciels de pilotage automatique seront perfectionnés et sans défectuosité apparente, il faudra clarifier, par le biais d’un règlement ou d’un amendement législatif, le partage des responsabilités des manufacturiers et des conducteurs et même des gouvernements.  Pour un véhicule complètement automatisé, est-ce que l’opérateur devra rester maître de son véhicule en toute circonstance?  Ces systèmes seront-ils considérés comme des aides à la conduite ou un substitut à la conduite? Il faudra que Transport Canada approuve ces technologies avant leur mise en marché et que les provinces revoient leurs lois, règlements et codes de la route. 

  

Lorsque le temps viendra d’adopter de nouvelles lois permanentes, je crois qu’il serait convenable de modifier les Codes de la route comme l’a fait la Suisse, où il en va de la responsabilité du conducteur de rester attentif à son environnement et à être prêt à reprendre le contrôle du véhicule à tout moment, et ce, peu importe le niveau d’automatisation du véhicule.  Les autorités suisses considèrent la conduite assistée comme une aide à la conduite : 

  

Aujourd’hui, la législation en Suisse est très claire : elle n’intègre pas la conduite assistée, semi-automatique ou automatique. C’est le conducteur qui, en permanence, doit rester maître de son véhicule en toute circonstance. Il faut vraiment considérer tous ces systèmes comme une aide à la conduite, et pas un substitut à la conduite[15]. 

  

Comme dans bien des cas, il sera nécessaire d’examiner les circonstances de l’accident afin de déterminer la responsabilité. Le conducteur était-il attentif immédiatement avant l’accident? Les conditions météorologiques étaient-elles bonnes? S’agissait-il d’une erreur du logiciel ou d’un défaut mécanique? L’entretien de la chaussée permettait-il le pilotage automatique (par exemple, la présence et la suffisance de lignes blanches sur la chaussée séparant les voies ou panneaux de signalisation)? 

  

Conclusion 

Les accidents récents montrent que les systèmes informatiques ne sont pas encore sans faille.  Toutefois, à mesure que les logiciels seront perfectionnés et que le nombre de véhicules automatisés sur les routes augmentera, il faudra revoir le partage des responsabilités. La prudence sera de mise puisque responsabiliser uniquement les manufacturiers de véhicules autonomes pourrait décourager ou freiner l’innovation et empêcher que les bénéfices pour la société se matérialisent. 

  

À NOTER : Cet article de blogue était originalement publié sur le site de Juriblogue.ca.  

Veuillez prendre note de la date de rédaction de cet article de blogue. Il est possible que certaines informations ne soient plus à jour. 

 

[1] Jason Tchir, « Are driverless cars allowed on Canadian roads? » (3 mai 2018), The Globe and Mail, en ligne : <https://www.theglobeandmail.com/drive/culture/article-are-driverless-cars-allowed-on-canadian-roads/>. 

[2] Ibid. 

[3] Jeffrey K Gurney, « Sue My Car Not Me: Products Liability and Accidents Involving Autonomous Vehicles » [2013] 2013: 2 U of Illinois J of L, Technology & Policy 247. 

[4] Patrick Le Fort, « Sécurité des voitures semi-autonomes en question après des accidents » (6 novembre 2019), RTS, en ligne : <https://www.rts.ch/info/regions/10845137-securite-des-voitures-semi-autonomes-en-question-apres-des-accidents.html>. 

[5] Alex S Ross, « Autonomous vehicles in Canada: are liability rules being affected by horses, elevators and autopilots? » (16 juillet 2019), Lexology, en ligne : <https://www.lexology.com/library/detail.aspx?g=f8e89e32-c67b-4fe6-a066-54e98aba0bd0>. 

[6] O Reg 306/15. 

[7] LRO 1990, c H.8 [Règlement]. 

[8] « Driverless cars now allowed on Ontario roads as part of pilot program » (23 janvier 2019), National Post, en ligne : <https://nationalpost.com/news/canada/driverless-cars-now-allowed-on-ontario-roads>. 

[9] Ministre des Transport, « Programme pilote de mise à l’essai des véhicules automatisés de l’Ontario » (4 mars 2019) Gouvernement de l’Ontario, en ligne : <http://www.mto.gov.on.ca/french/vehicles/automated-vehicles.shtml>. 

[10] Tchir, supra note 1. 

[11] Règlement, supra note 6, art 13(1). 

[12] Ibid, art 1(3). 

[13] Tchir, supra note 1. 

[14] Ross, supra note 4. 

[15] Le Fort, supra note 3.