Vermine, moisissure et incendies : Quelles sont les responsabilités des propriétaires en ce qui a trait à l’entretien et à la réparation de logements loués en Ontario ?

Vermine, moisissure et incendies : Quelles sont les responsabilités des propriétaires en ce qui a trait à l’entretien et à la réparation de logements loués en Ontario ?

Les histoires concernant le piètre état de logements loués abondent[1] : infestations de cafards, infiltrations d’eau, électro-ménagers en panne, portes et fenêtres brisées, et autres conditions hasardeuses nuisent à la santé physique et mentale des locataires, qui se sentent impuissants face à ces situations. 

Jusqu’à la modification de la loi ontarienne en 1969[2], les propriétaires n’avaient aucune obligation d’entretenir leurs logements loués.  En fait, ils pouvaient louer un logement délabré tout en imposant au locataire la responsabilité d’effectuer les réparations nécessaires !  La situation est bien différente aujourd’hui ; la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation[3] (la « Loi de 2006 ») impose des obligations aux propriétaires en ce qui a trait à l’entretien et à la réparation de logements loués, protégeant ainsi les locataires vulnérables. 

  

Les obligations des propriétaires 

En Ontario, la disposition clé quant aux obligations des propriétaires en matière d’entretien et de réparations est l’article 20 de la Loi de 2006. 

Le paragraphe 20(1) impose l’obligation de garder « l’ensemble d’habitation, y compris les logements locatifs qui s’y trouvent, en bon état, propre à l’habitation et conforme aux normes de salubrité, de sécurité et d’entretien, ainsi qu’aux normes relatives à l’habitation ».  Le propriétaire est donc tenu de garder non seulement les logements salubres, propres à l’habitation et en bon état, mais également d’entretenir les aires communes et les autres services et installations.  Ces services et installations incluent, entre autres, les installations de buanderie, les ascenseurs et les installations récréatives[4]. 

Certaines municipalités, y compris la ville d’Ottawa, ont adopté des règlements identifiant de manière détaillée les normes auxquelles les propriétaires doivent satisfaire.  Le règlement de la ville d’Ottawa[5] précise, par exemple, que les balcons et les galeries ne doivent pas présenter de pourrissement, de dégradation ou d’autres défectuosités.  La ville de Toronto, quant à elle, possède un règlement général sur les normes d’entretien pour les propriétés et un règlement s’appliquant spécifiquement aux immeubles d’appartements.  Si la municipalité n’a aucun règlement de la sorte, le propriétaire est tenu de se conformer au règlement provincial sur les normes d’entretien[6].  Le non-respect de ces règlements constitue une violation automatique des obligations prévues au paragraphe 20(1) de la Loi de 2006. 

Le propriétaire ne peut échapper à ses obligations s’il cherche à économiser quelques sous.  D’une part, il ne peut se fonder sur le fait que le locataire avait connaissance du mauvais état ou de l’insalubrité du logement avant de signer le bail pour se soustraire à ses obligations[7].  D’autre part, il ne peut reléguer ses obligations au locataire en stipulant, dans la convention de location, qu’il revient à ce dernier d’effectuer l’entretien et les réparations.  En effet, le paragraphe 4(1) de la Loi de 2006 rend nulle toute clause du contrat qui est incompatible avec la loi ; une telle clause serait contraire au paragraphe 20(1). 

  

Les obligations du locataire 

Malgré les obligations significatives du propriétaire, l’entretien et les réparations ne sont pas des responsabilités unilatérales.  Le locataire doit assurer la propreté ordinaire du logement, comme le prévoit l’article 33 de la Loi de 2006.  Autrement dit, à moins que la convention de location ne prévoie que le propriétaire se charge de l’entretien ménager, il incombe au locataire d’effectuer les tâches ménagères habituelles pour garder son logement propre.  Le propriétaire n’est pas responsable de corriger des conditions d’insalubrité découlant d’un usage inadéquat du logement par le locataire. 

En outre, conformément à l’article 34, le locataire doit aussi réparer tout dommage injustifié qu’il cause ou qui est causé par ses invités.  Si, par exemple, un invité du locataire défonce le comptoir de la cuisine en sautant sur celui-ci, la responsabilité de réparer les dommages reviendra au locataire et non au propriétaire. 

  

Qu’arrive-t-il si le propriétaire ne respecte pas ses obligations ? 

Si le locataire éprouve des problèmes quant à l’état du logement, il ou elle doit d’abord demander au propriétaire, par écrit, de rectifier la situation. 

Si le propriétaire refuse d’obtempérer, le locataire peut ensuite communiquer avec les autorités municipales afin qu’elles effectuent une inspection et qu’elles émettent une ordonnance.  Une telle ordonnance municipale confirme objectivement que le propriétaire a manqué à ses obligations prévues par la Loi de 2006. 

Enfin, si le propriétaire persiste à agir de manière récalcitrante, le locataire peut s’adresser à la Commission de la location immobilière (la « Commission »), par voie de requête, pour obtenir un redressement.  Pour ce faire, il ou elle doit soumettre le formulaire T6 et payer des frais de 53 $[8].  Attention aux délais : la requête doit être soumise dans les douze mois suivant la violation[9]. 

Après avoir soumis votre requête à la Commission, celle-ci fixera une date d’audience.  L’audience se déroulera habituellement dans les trois à six semaines suivant le dépôt de votre requête[10]. 

Si la Commission constate que le propriétaire a effectivement omis d’entretenir ou de réparer le logement, elle peut prendre une gamme de mesures prévues au paragraphe 30(1) de la Loi de 2006.  Elle peut notamment ordonner au propriétaire d’effectuer les travaux nécessaires dans un délai précisé ou même résilier la location, si les manquements sont graves. 

  

Conclusion 

Le propriétaire n’a pas l’obligation de remettre le logement à neuf, mais il doit respecter les exigences fixées par la loi et les règlements provinciaux et municipaux en ce qui concerne l’entretien et les réparations.  L’application de ces obligations peut s’avérer problématique, notamment en raison du fait qu’il existe peu de mesures proactives permettant aux autorités d’assurer le respect de celles-ci : le régime est surtout réactif et dépend des signalements effectués par les locataires.  Or, si le propriétaire refuse de s’acquitter de ses responsabilités, des recours auprès des autorités municipales et de la Commission de la location immobilière sont disponibles.  Indépendamment de la somme du loyer, le locataire a  droit à un logement de qualité adéquate. La propreté, la salubrité et la sécurité ne sont pas des luxes. 

 

[1] Voir <acorncanada.org/resource/housing-horror-stories-tenants-case-landlord-licensing-ottawa>. 

[2] An act to amend the Landlord and Tenant Act, SO 1968-69, c 58, art 95. 

[3] LO 2006, c 17. 

[4] Une liste complète des services et installations inclus sous cette obligation est prévue au paragraphe 2(1) de la Loi de 2006. 

[5] Ville d’Ottawa, Règlement no 2013-416, Normes d’entretien des biens. 

[6] Règl de l’Ont 517/06. 

[7] Loi de 2006, art 20(2). 

[8] <www.sjto.gov.on.ca/tribunals-ontario-fee-increases/> 

[9] Loi de 2006, art 29(2). 

[10] <www.sjto.gov.on.ca/documents/cli/Tenant%20Applications%20&%20Instructions%20(fr)/T6_Instructions_20170116_FR.pdf>