Vers un meilleur accès à la justice : Les succès du milieu communautaire

Vers un meilleur accès à la justice : Les succès du milieu communautaire

L’accès à la justice est une valeur fondamentale du système de justice canadien. Le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit notamment que le Canada est un pays fondé sur le principe de la primauté du droit. Déjà en 2013, un groupe national établi par la juge en chef de la Cour suprême de l’époque, la très honorable Beverley McLachlin, révélait que l’accès à la justice au Canada devait être amélioré de façon urgente. Plus récemment, dans le cadre d’une allocution prononcée en 2018, le juge en chef de la Cour suprême, le très honorable Richard Wagner affirmait : « L’accès à la justice est un enjeu qui concerne la démocratie, les droits de la personne et même l’économie. » En termes concrets, l’amélioration de l’accès à la justice passe très souvent par les services juridiques offerts en milieu communautaire. Par exemple : la Clinique juridique francophone d’Ottawa (CJFO), qui dessert quotidiennement les résidents francophones de la région de la capitale nationale.

 

Une approche holistique

Logée à l’intérieur du Centre des services communautaires Vanier (CSC Vanier), la CJFO s’insère dans un style d’intervention holistique : à la même adresse, on peut obtenir des services juridiques gratuits et des services sociaux spécialisés. Ainsi, une personne victime de violence peut à la fois bénéficier de services de thérapie auprès d’un-e intervenant-e du CSC Vanier et être référée à un-e avocat-e de la CJFO pour contester l’éviction de son logement. Selon Me Safiatou Diallo, avocate en matière d’immigration auprès de la Clinique, « Cette approche “multiservices” vise à assister concrètement les justiciables qui font face à plusieurs problèmes d’ordre social et juridique en même temps. C’est une façon de repenser l’accès à la justice à long terme, au-delà des défis fonctionnels du système juridique. »

 

Des barrières systémiques

Selon la directrice de la CJFO, Me Aliciadeea Le Roc, les obstacles les plus fréquents à l’accès à la justice sont d’ordre procédural. En effet, de nombreuses personnes ne savent pas vers qui se tourner pour obtenir de l’aide et faire valoir leurs droits. De l’avis de Me Éric Cabana, avocat en matière de logement auprès de la CJFO, il n’y a pas de véritable primauté du droit « si c’est la capacité de payer d’un individu qui lui permet de faire valoir ses droits ». De plus, selon Me Le Roc, les difficultés en matière de santé mentale, dont souffrent plusieurs clients, constituent une autre barrière importante à l’accès à la justice. « Ainsi que la pauvreté, les cycles de violence et le faible taux de littératie », ajoute Me Diallo.

 

Un cas de figure

Un justiciable se présente à la CJFO en état de panique. Il a reçu deux avis d’éviction de son propriétaire après qu’un voisin s’est plaint du bruit. Ce justiciable est particulièrement vulnérable, ayant déjà été itinérant après un long séjour en prison. La CJFO le soutient dans ses démarches, qui débouchent sur une audience auprès de la Commission de la location immobilière.

 

Cette personne souffre visiblement du syndrome post-traumatique, un diagnostic confirmé par une infirmière praticienne. En conséquence, le justiciable a de vives réactions qu’il peut difficilement contrôler. Ceci lui a valu des plaintes supplémentaires. L’avocat au dossier tente de lui expliquer les différentes avenues possibles, mais la peur de se retrouver à la rue l’empêche de comprendre la stratégie proposée. L’audience se déroule bien malgré tout. Le justiciable ne témoigne pas, car il serait trop « déclenché ». La stratégie de l’avocat réussit ! Il parvient à démontrer à la Commission de la location immobilière que l’avis de résiliation est invalide en raison de son manque de précision. En conséquence, le deuxième avis est également nul. Il faudra toutefois régler dans une audience ultérieure les plaintes plus récentes, qui risquent d’être plus difficiles à défendre. Sans une aide juridique accessible, l’invalidité de l’avis de résiliation aurait échappé au justiciable. Il y a de fortes chances qu’il se soit retrouvé à nouveau à la rue.

 

Le « dernier » rempart

Le droit communautaire est souvent le dernier rempart des personnes vulnérables. Pour reprendre les mots de la très honorable Beverley McLachlin : « La condition de base de l’accès à la justice […] [c’est] un système de justice ouvert à tous, abordable et efficace. » Pour parvenir à cette condition de base, le système de justice canadien a besoin d’un plus grand nombre de professionnels – des avocats, mais aussi des intervenants communautaires spécialisés.

 

Les cliniques juridiques incarnent ces caractéristiques en offrant des services juridiques à des personnes qui n’ont pas les moyens, financiers ou autres d’obtenir l’aide dont elles ont réellement besoin. « Les cliniques contribuent ainsi à résorber la fracture économique et sociale qui creuse l’écart entre les justiciables », conclut Me Diallo.

 


Références