R c Gubbins est un arrêt de la Cour suprême du Canada en droit criminel.

 

Deux individus sont arrêtés pour conduite avec les facultés affaiblies. Ils demandent d’obtenir les registres d’entretien des alcootests qui ont été utilisés pour effectuer les tests. Ces documents doivent-ils être transmis aux accusés? S’agit-il de document en la possession de la partie principale ou bien d’un tiers? Ces documents sont-ils pertinents pour la défense des accusés? Dans le présent cas, les documents n’ont pas à être transmis à la défense.

 

 

 

Faits

M. Vallentgoed et M. Gubbins sont tous les deux accusés de conduite avec les facultés affaiblies et de conduite avec une alcoolémie supérieure à 80 mg par 100 ml de sang.

 

Leurs échantillons d’haleine ont été pris selon des alcootests approuvés et selon la procédure habituelle.

 

À chaque étape du test, les alcootests ont effectué des analyses internes et externes des données afin de garantir l’exactitude des résultats qui ont été imprimés.

 

Les résultats imprimés ont montré que les alcootests fonctionnaient correctement au moment du test pour chacun des accusés.

 

Le ministère public a communiqué les documents habituels liés au processus. Toutefois, MM. Vallentgoed et Gubbins ont demandé des documents supplémentaires, dont les registres d’entretien des alcootests utilisés lors du prélèvement de leur échantillon d’haleine.

 

Le ministère public a fourni les documents de base, mais a refusé de fournir les autres documents sollicités par les accusés, car ces documents appartenaient à des tiers et n’étaient pas pertinents pour leur défense.

 

M. Vallentgoed a demandé une ordonnance de communication qui lui a été refusée alors que M. Gubbins a demandé un arrêt des procédures au motif que ses droits garantis par l’art.7 de la Charte canadienne des droits et libertés avaient été violés.

 

La demande de M. Vallentgoed a été refusée et il a été déclaré coupable pour les deux accusations portées contre lui alors que les procédures contre M. Gubbins ont été arrêtées jusqu’à ce que le ministère public fournisse les documents sollicités par M. Gubbins.

 

 

 

Questions en litige

1. Les registres d’entretien des alcootests sollicités par les accusés sont-ils assujettis aux règles applicables à la communication de dossiers en la possession de la partie principale (arrêt Stinchcombe[1]) ou sont-ils assujettis aux règles applicables à la communication de dossiers en la possession de tiers (arrêt O’Connor[2]) ?

 

2. Est-ce que la pertinence probable des registres d’entretien a été démontrée par les accusés?

 

 

 

RATIO DECIDENDI

Les registres d’alcootests n’ont pas à être communiqués à moins que l’accusé ne puisse en démontrer la pertinence probante pour sa défense.

 

 

 

Analyse

1. Les registres d’entretien des alcootests sont-ils assujettis aux règles applicables à la communication de dossiers en la possession de la partie principale (arrêt Stinchcombe) ou sont-ils assujettis aux règles applicables à la communication de dossiers en la possession de tiers (arrêt O’Connor) ?

 

Deux questions doivent être posées pour déterminer le régime applicable :

 

(1) Les renseignements demandés se trouvent ils en la possession ou sous le contrôle du poursuivant?

 

(2) Les renseignements recherchés sont ils d’une nature telle que la police ou l’autre entité étatique qui les a en sa possession ou sous son contrôle aurait dû les transmettre au poursuivant?

 

(2.1) Les renseignements font-ils partie des « fruits de l’enquête »? Les « fruits de l’enquête » sont tous les dossiers concernant l’enquête de l’accusé. Il s’agit des dossiers de la police générés au cours ou à la suite d’une enquête donnée concernant les accusations portées contre l’accusé.

 

(2.2) Les renseignements sont-ils « manifestement pertinents »? Les renseignements manifestement pertinents ne font pas partie du dossier d’enquête, mais ils doivent être communiqués, car ils concernent la capacité de l’accusé de réfuter la preuve du ministère public, de présenter un moyen de défense ou d’envisager la conduite qu’adoptera la défense.
Une réponse affirmative à l’une ou l’autre de ces questions entraîne automatiquement l’application du régime de communication par la partie principale.

 

Dans le cas de l’espèce :

(1) Les documents demandés par les accusés ne sont pas en la possession ni sous le contrôle du ministère public. Ces documents sont plutôt détenus par la GRC ainsi que d’autres tiers. La réponse à cette question est donc non.

 

(2) Les registres d’entretien demandés n’étaient ni des « fruits de l’enquête » ni des renseignements « manifestement pertinents », ils n’étaient pas non plus de nature à ce que les tiers doivent transmettent l’information au poursuivant. La réponse à cette question est donc non.

 

(2.1) Les registres d’entretien des alcootests ne font pas partie des « fruits de l’enquête » puisqu’ils ne sont pas propres à une enquête en particulier. Il s’agit plutôt de dossiers opérationnels et ce type de document ne fait pas partie des « fruits de l’enquête ». Ces documents ne sont pas générés au cours de l’enquête policière.

 

(2.2) Les registres d’entretien ne sont pas pertinents relativement à la fiabilité des alcootests. En effet, les documents manifestement pertinents quant au fonctionnement de l’alcootest sont ceux établis au moment des analyses effectuées par l’appareil. Il n’est pas manifestement pertinent de savoir si les alcootests fonctionnaient bien avant ou après le test. Il est manifestement pertinent de savoir si les alcootests fonctionnaient bien au moment où le test a été effectué. Les registres d’entretien ne permettent pas d’obtenir une telle information, ils ne sont donc pas manifestement pertinents.

 

Puisque l’ensemble des questions ont été répondus par la négative, le régime de communication applicable est celui des renseignements en la possession des tiers.

 

 

2. Est-ce que la pertinence probable des registres d’entretien a été démontrée par les accusés?

 

Pour démontrer la pertinence probable des registres d’entretien et repousser la présomption d’exactitude prévue à l’al. 258(1) du Code criminel, la personne accusée doit présenter une telle preuve à l’aide d’un expert. Cependant, les accusés n’ont pas présenté de preuve d’expert permettant de démontrer que les registres d’entretien étaient pertinents pour trancher la question déterminante de savoir si un appareil avait mal fonctionné ou s’il avait été incorrectement utilisé. En l’absence de preuve du côté de la défense, la pertinence probable des registres n’a pas été démontrée.

 

 

 

Dispositif

La Cour rejette les pourvois. La déclaration de culpabilité de M. Vallentgoed est confirmée et la tenue d’un nouveau procès pour M. Gubbins est ordonnée.

 

 

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[1] R c Stinchcombe, 1991 CSC 45

[2] R c O’Connor, 1995 CSC 51