Résumé d’une décision de la Cour suprême du Canada en droit criminel sur l’omission de porter un condom lorsque le consentement était conditionnel à l’utilisation de celui-ci.

 

FAITS

Ross Kirkpatrick et la plaignante se sont rencontrés en Colombie-Britannique en mars 2017. Elle a donné son accord à une relation sexuelle avec Kirkpatrick, mais seulement s’il portait un condom. Malgré cette demande, lors de la deuxième relation sexuelle, Kirkpatrick a omis d’en porter, ce qu’elle a réalisé uniquement lorsque la relation sexuelle était terminée. À la suite de ces événements, Kirkpatrick a été accusé d’agression sexuelle.

 

QUESTIONS EN LITIGE

  1. Le pourvoi soulève deux questions. Premièrement, lorsqu’une personne plaignante a rendu son consentement à des rapports sexuels conditionnels à ce que son partenaire porte un condom, le fait qu’il n’en a pas porté signifie‑t‑il qu’il n’y a pas d’« accord volontaire [de la] plaignant[e] à l’activité sexuelle » au sens du par. 1(1) du Code criminel, ou cela doit‑il être analysé en application de la disposition relative à la fraude prévue à l’al. 265(3)c) ?

 

  1. Deuxièmement, que faut‑il pour établir la fraude, et y a‑t‑il en l’espèce des éléments de preuve de malhonnêteté de la part de l’appelant susceptibles de constituer une fraude viciant le consentement pour l’application de l’al. 265(3)c) du Code criminel ?

 

RATIO DECIDENDI

Lorsque le port du condom est une condition à la relation sexuelle, celui-ci fait partie de la relation à laquelle la personne a consenti.

 

ANALYSE

 

L’accord volontaire de la plaignante à l’activité sexuelle

Tout d’abord, pour juger de l’existence ou non du consentement à l’activité sexuelle en matière d’infractions d’agression sexuelle, il est important d’examiner l’expression clé « activité sexuelle » utilisée au paragraphe 273.1(1) du Code criminel. Cette disposition exige « l’accord volontaire [. . .] à l’activité sexuelle ». L’interprétation juridique donnée à l’expression « activité sexuelle » est liée au contexte, dépend des faits et des circonstances de l’espèce, puis est définie par la preuve et les allégations de la personne plaignante. Il est également crucial de tenir compte de la comparaison de ce qui s’est produit et de ce à quoi l’accord avait été accordé.

 

L’aspect de fraude viciant le consentement

En l’espèce, Kirkpatrick a mentionné que la plaignante avait consenti à une relation sexuelle. Kirkpatrick a demandé le rejet de l’accusation en faisant valoir l’absence de preuve, un élément nécessaire de l’actus reus de l’agression sexuelle, comme démontré dans l’arrêt R c Hutchinson, 2014 CSC 19. Toutefois, l’arrêt Hutchinson ne s’applique pas dans la présente affaire. Cet arrêt s’applique uniquement dans les cas de sabotage de condom et de fraude, et ne s’applique pas lorsqu’aucun condom n’a été utilisé. De plus, selon le témoignage de la plaignante concernant le rapport sexuel sans condom, une absence de consentement et d’accord a été manifestée au niveau de son comportement et de ses paroles. Celle-ci a fourni des preuves qu’elle n’aurait pas eu de relation sexuelle avec M. Kirkpatrick sans condom. L’alinéa 273.1(2)d) confirme que le rejet manifeste d’une activité spécifique doit être respecté pour qu’il y ait consentement. L’analyse de la présente affaire ne doit donc pas être faite en application de la disposition relative à la fraude prévue à l’al. 265(3)c).

 

L’activité sexuelle à laquelle la personne plaignante doit donner son accord est l’acte sexuel physique spécifique. En l’espèce, l’agression sexuelle spécifique alléguée est le rapport sexuel sans condom. Aux fins de la détermination de l’activité sexuelle à laquelle il a été consenti, un rapport sexuel avec un condom est bel et bien une activité sexuelle différente d’un rapport sexuel sans condom. Le port du condom était donc bel et bien une condition du consentement de la plaignante. « Puisque seul oui veut dire oui et que non veut dire non, « non, pas sans condom » ne peut vouloir dire « oui, sans condom » (au para 2).

 

Conclusion de l’analyse

Le juge du procès a commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas de preuve que la plaignante n’avait pas consenti aux activités sexuelles sans condom et en rejetant l’accusation d’agression sexuelle.

 

DISPOSITIF

Lorsqu’une personne est tenue par son partenaire de porter un condom lors d’une relation sexuelle, mais que celle-ci ne le fait pas, l’individu pourrait être coupable d’agression sexuelle. Le pourvoi est rejeté, l’ordonnance d’annuler l’acquittement et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès est confirmée.


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