Carter c Canada (Procureur général), 2015 CSC 5 est un arrêt porte sur l’aide médicale à mourir. Il explique pourquoi l’alinéa 241b) et l’article 14 du Code criminel portait atteinte de manière injustifiée à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

FAITS

Madame Taylor est atteinte d’une maladie neurodégénérative fatale : la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Elle a donc demandé de déclarer l’inconstitutionnalité de l’article 14 et de l’alinéa 241b) du Code criminel qui prohibent l’aide au suicide (ou aide médicale à mourir).

 

QUESTIONS EN LITIGE

1. L’alinéa 241b) et l’article 14 du Code criminel concernant la prohibition de l’aide au suicide portent-ils atteinte au droit à la vie, la sécurité et la liberté protégé par l’article 7 de la Charte canadienne ?

2. S’il y a violation de l’article 7, celle-ci est-elle justifiée en vertu de l’article premier de la Charte ?

 

RATIO DECIDENDI

L’alinéa 241b) et l’article 14 du Code criminel portent atteinte de manière injustifiée à l’article 7 de la Charte et sont inopérants dans la mesure où ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.

 

ANALYSE

1. L’alinéa 241b) et l’article 14 du Code criminel concernant la prohibition de l’aide au suicide portent-ils atteinte au droit à la vie, la sécurité et la liberté protégé par l’article 7 de la Charte canadienne ?

Au terme de l’article 7 de la Charte, chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

Une prohibition absolue de l’aide médicale à mourir viole le droit à la vie puisqu’elle impose une obligation de vivre plutôt que de protéger un droit à la vie. Le droit à la vie doit être interprété largement et doit inclure la qualité de vie ainsi que le droit de mourir dans la dignité.

 

L’article 7 émane d’un profond respect pour la valeur de la vie humaine, mais il englobe aussi la vie, la liberté et la sécurité de la personne durant le passage à la mort. C’est pourquoi le caractère sacré de la vie « n’exige pas que toute vie humaine soit préservée à tout prix » (Rodriguez, p. 595, le juge Sopinka).

 

Le souci de protéger la dignité et l’autonomie de la personne sous-tend le droit à la liberté et à la sécurité.

 

La prohibition de l’aide médicale à mourir porte atteinte au droit à la liberté et à la sécurité de la personne puisqu’elle entrave la prise de décisions d’ordre médical qui sont fondamentalement importantes et personnelles. De plus, la prohibition de l’aide médicale à mourir prive la personne de la maîtrise de son intégrité corporelle et lui cause de la douleur et du stress psychologique. En niant la possibilité pour ces personnes de faire ce choix, la prohibition empiète sur leur liberté et la sécurité de leur personne.

 

La prohibition de l’aide au suicide viole donc l’article 7 de la Charte et cette atteinte n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale.

 

L’objet de la loi visant la prohibition de l’aide au suicide est d’empêcher que les personnes vulnérables soient incitées à se suicider dans un moment de faiblesse. L’objet de la loi n’est pas conforme aux principes de justices fondamentales puisqu’il a une portée excessive.

 

2. La violation de l’article 7 est-elle justifiée en vertu de l’article premier de la Charte ?

Pour justifier, en vertu de l’article premier de la Charte, l’atteinte aux droits que reconnaît l’article 7, le Canada doit démontrer que l’objet de la loi est urgent et réel et que les moyens choisis sont proportionnels à cet objet conformément au test de l’arrêt Oakes.

 

Une loi est proportionnée à son objet si (1) les moyens adoptés sont rationnellement liés à cet objet, (2) elle porte atteinte de façon minimale au droit en question, et (3) il y a proportionnalité entre les effets préjudiciables et les effets bénéfiques de la loi.

 

La prohibition absolue de l’aide médicale à mourir répond à un objectif réel et urgent, mais échoue à l’étape de l’atteinte minimale. Elle n’est donc pas justifiée en vertu de l’article premier de la Charte.

 

L’alinéa 241b) et l’article 14 du Code criminel portent atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garanti par l’article 7 de la Charte et ce, d’une manière non conforme aux principes de justice fondamentale et non justifiée par l’article premier de la Charte.

 

Dans la mesure où les dispositions législatives contestées nient les droits que l’article 7 reconnaît aux personnes comme Mme Taylor, elles sont nulles par application de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982.

 

L’alinéa 241b) et l’article 14 du Code criminel sont donc déclarés nuls dans la mesure où ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.

 

DISPOSITIF

Le pourvoi est donc accueilli.