Résumé d’une décision de la Cour suprême du Canada en droit constitutionnel sur les dispositions du Code criminel portant sur le régime d’examen des dossiers. 

 

FAITS 

J.J. et Reddick, accusés d’agression sexuelle, plaident que les articles 278.92 à 278.94 du Code criminel sont inconstitutionnels.

 

Les articles contestés visent à éliminer les obstacles qui découragent les victimes d’infractions d’ordre sexuel de se manifester, en établissant une nouvelle procédure d’examen des dossiers privés d’une plaignante pouvant être en possession de l’accusé, afin de déterminer si ceux-ci sont admissibles en preuve au procès. Les dispositions confèrent également plus de droits de participation à la plaignante, lors des procédures sur l’admissibilité.

 

Selon les accusés, les dispositions fragilisent trois des droits que leur garantit la Charte canadienne des droits et libertés, soit le droit au silence et le privilège contre l’auto-incrimination (article 7 et l’alinéa 11c)), le droit à un procès équitable (article 7 et l’alinéa 11d)) ainsi que le droit de présenter une défense pleine et entière (article 7 et l’alinéa 11d)).

 

QUESTION EN LITIGE

Les articles 278.92 à 278.94 du Code criminel, visant une nouvelle procédure d’examen des dossiers, portent-ils atteinte aux droits des accusés protégés par l’article 7 et les alinéas 11c) et 11d) de la Charte?

 

RATIO DECIDENDI

Il faut regarder le contexte et le contenu du dossier privé pour juger de son admissibilité au procès. La procédure prévue par les dispositions contestées met en balance les droits et les intérêts de l’accusé, de la plaignante et du public. La procédure d’examen des dossiers est donc constitutionnelle.

 

ANALYSE

Il est tout d’abord crucial d’interpréter certains termes avant de juger la constitutionnalité des dispositions contestées. Le terme « dossier » est interprété de manière que le juge, présidant l’audience, se penche à la fois sur le contenu ainsi que le contexte du dossier. Cela aidera à déterminer si le dossier engage une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée et s’il contient des informations de nature très intime et personnelle. Il est également important de noter que le terme « adduce » signifiant « présenter en preuve » fait allusion au contenu du dossier auquel fait référence l’accusé pendant le procès.

 

La première étape du processus d’examen des dossiers est d’établir s’il existe des possibilités que le dossier soit admissible. Si c’est le cas, la demande passera à la deuxième étape du processus, soit l’audience, où l’on décide si la preuve satisfait aux critères d’admissibilité. Concernant la participation de la plaignante lors du procès, celle-ci n’a pas le droit de participer à la première étape du processus d’audience, mais peut obtenir une description générale de la nature du dossier. La plaignante n’a pas non plus le droit de contre-interroger l’accusé lors de l’audience de la deuxième étape ni de produire une preuve. De plus, les demandes d’admissibilité de preuves doivent être présentées au moins sept jours avant qu’elles soient examinées par le juge au niveau de la première étape.

 

Au niveau du cadre d’analyse employé en l’espèce, celui-ci reconnaît que l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte comme étant inextricablement liés. Afin d’établir qu’une règle de droit contrevient à l’article 7 de la Charte, il faut tout d’abord démontrer que les dispositions contestées donnent lieu à une atteinte au droit à la liberté. Conséquemment, l’analyse sera centrée sur la seconde étape analytique, soit sur les violations alléguées de principes de justice fondamentale.

 

Le principe d’équité du procès ainsi que le droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière sont les principes de justice fondamentale dont il est question en l’espèce, relevant de l’article 7 et l’alinéa 11d).

 

Tout d’abord, le droit de l’accusé à un procès équitable ne signifie pas que le procès sera le plus favorable ou dans le meilleur intérêt de ce dernier. L’équité est considérée du point de vue de la plaignante et de la collectivité. Ensuite, l’accusé n’est pas obligé de témoigner lors de la procédure d’examen des dossiers et donc l’alinéa 11c), au niveau de son droit au silence, n’est pas en jeu. Enfin, il n’est pas juste de surprendre la plaignante avec ses propres dossiers très privés au procès. Le droit de l’accusé à un procès équitable ne signifie pas le pouvoir absolu de faire admettre tous les éléments de preuve à l’appui, puisque pour être admis, les dossiers privés doivent avoir un rapport avec un élément du procès. L’objectif du Parlement est la protection de la vie privée et de la dignité des plaignantes. De plus, la première étape de la procédure n’a pas une portée trop large, car elle suit l’objectif législatif et s’en tient à ce qui est raisonnablement nécessaire.

 

DISPOSITIF

Le pourvoi du ministère public est accueilli. Les articles 278.92 à 278.94 du Code criminel sont constitutionnels dans leur intégralité, et ne violent donc ni l’article 7, ni les alinéas c) ou d) de l’article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés.


Pour en apprendre davantage sur l’article 7, consultez notre schéma juridique ici