Résumé de R v Poobalasingham, un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario en droits linguistiques.

FAITS

Cette décision traite de trois différents appels concernant la même question en litige. Ce sont des appels de décisions rendues par trois différents juges de la Cour supérieure de justice avec jury à Brampton en Ontario.

 

Les appelants ont obtenu une ordonnance en vertu du paragraphe 530(1) du Code criminelCode »] exigeant que leurs procès se déroulent devant un juge et jury qui parle anglais. Au procès, en vertu de l’alinéa 638(1)f) du Code, les appelants ont invoqué cette ordonnance afin de demander la récusation motivée de chaque juré éventuel en raison que le juré ne parlait pas anglais. Il est à noter qu’environ 95% de la population dans la région de Brampton parle anglais et que les appelants sont tous anglophones.

QUESTION EN LITIGE

Les juges de première instance ont-ils commis une erreur en ne permettant pas aux appelants, en tant que bénéficiaires d’ordonnances rendues conformément au paragraphe 530(1) du Code, de récuser des jurés éventuels en vertu de l’alinéa 638(1)f) du Code?

RATIO DECIDENDI

L’existence d’une ordonnance seule en vertu du paragraphe 530(1) du Code ne permet pas à un accusé d’utiliser la récusation motivée prévue à l’alinéa 638(1)f) du Code afin de récuser chaque juré éventuel en invoquant que celui-ci n’a pas la capacité linguistique.

 

L’utilisation de la récusation motivée en raison de la capacité linguistique d’un juré potentiel doit être basée sur une possibilité réelle que celui-ci n’ait pas la capacité linguistique dans la langue choisie par l’accusé et cela doit être articulé lors de la demande de la récusation motivée de chaque juré éventuel.

ANALYSE

Le juge dans cette décision a soulevé plusieurs points afin de refuser les appels.

 

Tout d’abord, le juge adresse les circonstances dans lesquelles les ordonnances en vertu du paragraphe 530(1) ont été octroyées.  L’article 530 du Code est une disposition qui traite des droits linguistiques. La Cour d’appel cite l’arrêt R c Beaulac, [1999] 1 RCS 768 et confirme que cette disposition a pour objectif de « donner un accès égal aux tribunaux aux accusés qui parlent l’une des langues officielles du Canada afin d’aider les minorités de langue officielle à préserver leur identité culturelle » (para 34). Elle permet d’assurer qu’un accusé comprendra et sera compris au cours d’une procédure criminelle.

 

Les appelants savaient bien que leurs procès se dérouleraient en anglais. Il n’était pas nécessaire de rendre une ordonnance en vertu de l’article 530 du Code pour obtenir ce résultat. Les appelants n’ont pas demandé cette ordonnance pour faire respecter leurs droits linguistiques. Ils ont utilisé cette ordonnance pour assurer une possibilité de récuser des jurés potentiels pour cause de compétence linguistique sans preuve d’une possibilité réelle que ceux-ci n’aient pas la capacité.

 

Deuxièmement, le juge adresse l’interprétation de l’alinéa 638(1)f) du Code proposée par les appelants selon laquelle l’existence seule d’une ordonnance rendue en vertu de l’article 530 du Code permet à l’accusé de contester la compétence linguistique de chaque juré éventuel. Le juge conclut que cette interprétation est incompatible avec les exigences minimales applicables à toutes les autres récusations motivées.

 

Plus précisément, cette interprétation est incompatible avec l’alinéa 638(1)b) du Code qui exige une possibilité réelle qu’un juré potentiel soit impartial. Une présomption similaire pour la compétence linguistique pourrait être fondée sur la combinaison des qualités requises des jurés en vertu de la Loi sur les jurys et sur la vérification préalable de la compétence linguistique des membres du jury par le juge qui préside.

 

Finalement, la Cour d’appel conclut qu’il faut éviter l’utilisation de récusations motivées qui prolongent les procédures et qui ouvrent la porte à une ingérence dans la vie privée des jurés potentiels.

DISPOSITIF

Les appels sont rejetés.

 

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