Cette décision de la Cour supérieure de l’Ontario portant sur le droit de la famille et le droit de l’enfant applique la récemment modifiée Loi sur le divorce, LRC 1985, c 3 (2e suppl). Les modifications à la Loi cherchent à intégrer des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, notamment le paragraphe 12 de la Convention qui incombe au tribunal de considérer le point de vue et les préférences de l’enfant.

 

 

FAITS

S.S. et R.S. sont respectivement le père et la mère de deux enfants, C.S. et S.S. Les parents se sont rencontrés en 2003 et se sont mariés en 2012. En 2018, après que le père, S.S. ai annoncé à R.S. qu’il allait avoir un enfant avec une autre femme, le couple se sépare. Depuis la séparation du couple, les enfants sont principalement à la charge de la mère, R.S. Depuis janvier 2021, les enfants voient leur père sur une base hebdomadaire à la résidence que le père partage avec sa mère et son grand-père et les visites se déroulent généralement bien. La présente affaire est entamée lorsque S.S., le père, présente une requête pour obtenir du temps parental additionnel provisoire avec les deux enfants en s’appuyant sur les dispositions relatives au rôle parental de la nouvellement modifiée Loi sur le divorceLoi »). La mère s’oppose à la requête de S.S. En plus de demander une augmentation modérée du temps parental du père, elle demande l’ajout de conditions strictes, car elle se dit préoccupée du bien-être des enfants, ces derniers ayant, selon elle, été exposés à de la violence familiale de la part du père avant et après le mariage.

 

 

QUESTION EN LITIGE

Est-il dans l’intérêt supérieur des deux enfants de passer plus de temps avec S.S. sur une base temporaire en attendant le règlement de l’affaire ?

 

 

RATIO DECIDENDI

Les dispositions de l’article 16 de la Loi sur le divorce imposent que la considération principale de la Cour soit la sécurité physique, émotionnelle et psychologique ainsi que le bien-être de l’enfant en prenant compte des facteurs reliés aux circonstances propres à l’enfant. La Cour reconnaît qu’en principe, un enfant devrait avoir le plus de temps possible avec chaque parent dans les limites qu’impose l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour déterminer cet intérêt supérieur, l’intégration nouvelle du droit international quant aux droits de l’enfant impose à la Cour de considérer l’enfant comme un individu distinct de ses parents et de lui permettre d’être un acteur de son propre destin. En pratique, cela implique que le point de vue et les préférences de l’enfant soient considérés dans l’analyse de son intérêt supérieur.

 

 

ANALYSE

La nouvelle Loi sur le divorce intègre des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant (« la Convention »). Conséquemment, une analyse basée sur les droits de la personne de la Loi impose aux tribunaux de reconnaître et de respecter que chaque enfant est un individu distinct de ses parents et de lui donner sa place comme acteur de sa propre destinée. Le tribunal analyse donc les expériences vécues par l’enfant, considère son point de vue et ses préférences et élabore une ordonnance qui va promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant et son bien-être général.

 

Pour s’acquitter de cette obligation, le tribunal doit procéder à une analyse en trois étapes afin de déterminer la façon d’appliquer la Loi :

 

1. Évaluation des circonstances actuelles de l’enfant

 

Pour évaluer les circonstances actuelles de l’enfant, le paragraphe 16 (3) de la Loi présente une liste non exhaustive de différents facteurs permettant de faire l’analyse. Par exemple, on considère, entre autres : les besoins de l’enfant compte tenu de son âge et du stade de son développement, le point de vue de l’enfant et ses préférences eu égard à son âge et sa maturité, son patrimoine et son éducation linguistique, culturel, religieux et spirituels, notamment si l’enfant est autochtone, toute instance, ordonnance, condition ou mesure de nature civile ou pénale intéressant la sécurité ou le bien-être de l’enfant, la présence de violence familiale, etc.

 

Le fait de considérer le point de vue et les préférences de l’enfant afin de leur accorder une place plus importante dans des procédures juridiques pouvant affecter leurs droits découle de l’article 12 de la Convention. Même sans preuve directe concernant les préférences et le point de vue de l’enfant, la Cour est tenue de faire un effort raisonnable pour articuler la pensée de l’enfant si son âge et sa maturité le permettent.

 

2. Détermination de l’intérêt supérieur des enfants selon leurs circonstances actuelles

 

Pour ce faire, le juge doit avoir comme considération principale les besoins matériels, physiques, éducatifs, émotionnels, affectifs et la sécurité de l’enfant pour déterminer l’intérêt supérieur de celui-ci. En l’espèce, la Cour estime que les enfants ont besoin d’une vie familiale stable, ce qui implique de passer du temps approprié et prévisible avec tous les membres de la famille et garder un horaire et une planification semblable en ce qui concerne l’école et la garderie. Dû au souci de stabilité dans la vie familiale des enfants et à leur attachement envers leur mère, il est dans leur intérêt supérieur que la maison de la mère soit leur résidence principale et que la mère soit également l’autorité décisionnelle entre les deux parents. Le père pourra toutefois être en mesure de recevoir directement l’information provenant de leur école, de leurs médecins, etc.

 

Puisque l’alinéa 16(3)j) de la Loi requiert que les juges considèrent l’impact de la violence familiale sur l’enfant, une analyse de cette situation doit être faite. Dans le cas présent, la Cour affirme que la conduite de S.S. pendant et après le mariage peut être qualifiée de violence familiale et que les enfants ont été fréquemment exposés à la colère et à la violence de leur père. Toutefois, il n’existe pas de preuve indiquant que le père traite présentement ses enfants de façon abusive ni que ces derniers sont actuellement exposés à de la violence de façon directe ou indirecte. De plus, la mère est à l’aise de laisser les enfants passer du temps avec le père sans supervision.

 

Finalement, la Cour estime qu’il est dans l’intérêt supérieur des enfants de développer une relation avec leur demi-frère, J.S. Ce dernier faisant partie de la famille élargie, il serait bon pour les enfants de développer une relation avec lui alors qu’ils sont encore jeunes, et ce, indépendamment de la réticence de la mère à les voir cohabiter avec le fils de S.S.

 

3. Détermination des dispositions adéquates pour une ordonnance parentale

 

À cette étape, la Cour utilise les fruits de l’analyse provenant des deux étapes précédentes pour déterminer les éléments adéquats devant être inclus dans l’ordonnance qu’elle va rendre. En l’espèce, la Cour ordonne, notamment, que sur une base temporaire les enfants restent à la même école et garderie, que leur résidence principale soit chez R.S., que S.S. puisse consulter et obtenir de l’information de la part de prestataires de services professionnels, particulièrement de la part des professeurs et médecins des enfants, que les parents communiquent à travers leurs conseillers juridiques pour tout ce qui touche au temps parental et que les deux parents, durant leur temps parental, suivent attentivement les directives de la santé publique de l’Ontario concernant la pandémie de la COVID-19, etc. Finalement, la Cour impose aussi un horaire auquel S.S. devra se tenir pour organiser son temps parental. Ces mesures ordonnées par la Cour sont issues des pouvoirs que lui donne l’article 16 de la Loi. Cette disposition permet à la Cour d’allouer du temps parental, d’imposer un horaire, déterminer les moyens de communication que vont devoir utiliser les parents ou d’ordonner toute mesure que la Cour considère appropriée pour assurer l’intérêt supérieur des enfants.

 

 

DISPOSITIF

Il est dans l’intérêt supérieur des enfants de permettre à S.S, le père, d’avoir une légère augmentation de son temps parental. L’horaire imposé par la Cour est en majeure partie en accord avec l’horaire proposé par la mère, R.S., mais le tribunal y ajoute une légère modification pour permettre le contact entre les deux enfants et leur demi-frère, J.S.

 

 

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