La décision de Dunsmuir v New-Brunswick est une cause clé en droit administratif. Dans cette affaire, l’appelant qui travaillait au ministère de la Justice reçoit un avis de cessation d’emploi. Deux questions ont été tranchées par la Cour suprême du Canada, à savoir :

 

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable pour réviser la décision de l’arbitre ?
  2. Un employé titulaire d’une charge à titre amovible dans la fonction publique du Nouveau-Brunswick a-t-il droit à l’équité procédurale ?

 

Voici un résumé de cette décision.

 

FAITS

L’appelant travaillait au ministère de la Justice du Nouveau-Brunswick. Une évaluation de rendement était prévue le 19 août 2004. Cette même date, la directrice régionale et le sous-ministre adjoint concluent, avant la tenue de la rencontre avec l’appelant, que celui-ci ne répond plus aux qualifications du poste et, de même, annulent la rencontre. Par la suite, un avis de cessation d’emploi prenant effet le 1er décembre est télécopié à l’appelant. N’étant pas syndiqué, l’appelant dépose un grief en vertu de l’art. 100.1 de la Loi relative aux relations de travail dans les services publics pour contester son congédiement. L’arbitre conclut que l’avis de cessation d’emploi ne répondait pas aux exigences de l’équité procédurale et que l’appelant devait être réintégré à son poste.

 

QUESTIONS EN LITIGE

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable pour réviser la décision de l’arbitre ?
  2. Un employé titulaire d’une charge à titre amovible dans la fonction publique du Nouveau-Brunswick a-t-il droit à l’équité procédurale ?

 

RATIO DECIDENDI

Dorénavant, il n’existe que deux normes de contrôle : celle de la décision raisonnable et celle de la décision correcte. Pour être conforme à la norme de la décision raisonnable, la décision rendue par le tribunal administratif doit faire partie de l’une des différentes solutions rationnelles acceptables. En général, lorsqu’une décision touche les faits, la politique ou le pouvoir discrétionnaire et lorsque le droit et les faits ne peuvent être dissociés, la norme de la décision raisonnable s’applique. Certains facteurs militent en faveur d’une décision de la norme raisonnable. Ainsi, dans des cas où une clause privative est présente ou lorsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat dont il a une connaissance approfondie, la déférence est généralement de mise.

 

Également, l’expertise du décideur dans un régime administratif distinct et la nature de la question de droit peuvent faire pencher la balance vers cette norme. Au contraire, si la question de droit revêt une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble ou est étrangère au domaine d’expertise du décideur, ça appelle la norme de la décision correcte plutôt que la norme de la décision raisonnable. La norme de la décision correcte continue de s’appliquer pour les questions de compétence et pour certaines autres questions de droit, notamment le partage des compétences entre le Parlement et les provinces et la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents. Dans ces cas, la Cour de révision entreprend sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la décision du décideur. Si elle est en désaccord, la Cour substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. Dans cet arrêt, la Cour vient également restreindre les questions de compétences à celles qui « touchent véritablement à la compétence », soit lorsque le tribunal administratif doit déterminer expressément si les pouvoirs dont le législateur l’a investi lui permettent de répondre à la question.

 

ANALYSE

En l’espèce, la Cour conclut qu’il s’agit de la norme de la décision raisonnable qui s’applique en raison de la présence d’une clause privative absolue et de la nature du régime, soit l’expertise de l’arbitre dans l’interprétation d’une convention collective. Elle considère également l’objectif législatif de la loi habilitante et la nature de la question de droit, celle-ci ne revêtant pas une importance capitale. Elle convient toutefois que la décision de l’arbitre était déraisonnable, ne s’appuyant pas sur une interprétation de la loi qui faisait partie des « lectures acceptables ». En effet, selon la loi, l’employeur n’avait pas à invoquer de motifs s’il donnait un préavis raisonnable au congédiement ou à l’indemnité. L’arbitre a ainsi commis une erreur en concluant que sa loi habilitante lui permettait de rechercher les motifs du congédiement, alors que ce n’était pas requis par le contrat d’emploi. En ce qui concerne l’équité procédurale, la Cour conclut que l’appelant n’y avait pas droit. Elle vient préciser les principes établis dans l’arrêt Knight1 pour l’obligation d’équité dans le contexte d’emploi dans la fonction publique. Elle ajoute à ces principes qu’en l’espèce, la présence d’un contrat d’emploi vient influencer le droit applicable lors du renvoi d’un employé de la fonction publique. Ainsi, il s’agit d’un cas régi par le droit contractuel et non par les principes généraux de droit public. De ce fait, un congédiement avec préavis raisonnable n’est pas considéré comme un manquement à l’équité procédurale.

 

DISPOSITIF

En l’espèce, la norme applicable est celle de la décision raisonnable. Puisque la décision par l’arbitre n’était pas raisonnable, elle doit être annulée.

 

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